Buzyn à l’OMS, ou l’incompétence récompensée Gratuit
Auteur
Thèmes abordés
Près d’un an après sa démission en pleine épidémie, l’ex-ministre de la Santé a décroché un prestigieux poste à l’OMS. Une récompense bien curieuse, après un début de gestion de crise chaotique.

À défaut de rendre des comptes, la logique voudrait au moins qu’un responsable incompétent fasse preuve de discrétion. Mais il semble que l’époque soit étonnamment plus transigeante. Malgré une gestion déplorable du début de la crise, l’ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn a décroché un poste à l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Elle a intégré le 4 janvier, le cabinet du directeur général éthiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus, par ailleurs sous le feu d’accusations auprès de la Cour pénale internationale. Agnès Buzyn sera entre autres chargée « des affaires multilatérales » auprès du G7, de l’ONU, ou encore de la Fondation Bill Gates. Difficile de savoir ce que pourra apporter une ministre de la Santé inefficace, si ce n’est son carnet d’adresses. Ce qui n’est pas dénué d’intérêt pour une organisation financée en partie par des fondations privées.
Le navire quitté en plein naufrage
Depuis qu’elle a quitté son poste, Agnès Buzyn s’était fait bien discrète. Et il y avait de quoi. Car les premiers jours de janvier 2020, les autorités françaises - et européennes - semblaient peu préoccupées par ce qui inquiétait certains observateurs en Chine. Le 24 janvier, Agnès Buzyn estimait le risque d’importation du virus en France « modéré » et même « pratiquement nul ». Une sérénité allant même jusqu’à repousser l’arrivée du virus avec des affiches dans les aéroports, quand de nombreux pays fermaient leurs frontières avec la Chine.
Mais quelques mois plus tard, Agnès Buzyn auditionnée en commission d’enquête à l’Assemblée nationale tenait un bien autre discours. Elle affirmait avoir alerté l’Élysée et Matignon « autour du 11 janvier » d’un potentiel « danger » du coronavirus. Avant d’affirmer sans trembler : « Vous ne pouvez pas dire qu’on n’a pas été réactifs ». Cet épisode ne serait pas aussi affligeant s’il ne s’était pas conclu par la démission de la ministre le 16 février 2020, en pleine pandémie. Agnès Buzyn s’était en effet précipitée pour remplacer Benjamin Griveaux - alors pris dans ses affaires de sextape - dans la course à la mairie de Paris, où elle finira à une lamentable troisième place.
Une reconversion suspecte
Jusqu’à aujourd’hui, l’ex-ministre était bien peu occupée. En dehors de son poste de conseillère du 17e arrondissement de Paris, où elle n’a en réalité jamais siégé, Agnès Buzyn a renfilé sa blouse blanche quelques mois à l’hôpital Percy de Clamart. Mais cette embauche à Genève ne s’explique peut-être pas seulement par sa passion pour l’horlogerie et le chocolat. Ces derniers mois, les procédures lancées à l’encontre d’Agnès Buzyn se sont multipliées. La dernière en date il y a quelques semaines : une information judiciaire a été ouverte après la plainte d’un patient atteint du covid en Moselle. Une rumeur affirmant qu’une loi votée en septembre pour protéger Agnès Buzyn a circulé sur les réseaux sociaux a été démentie. L’accord dont il était question, relatif à l’octroi du statut diplomatique aux fonctionnaires du bureau de l’OMS, ne concernait pas en l’espèce Agnès Buzyn mais les diplomates étrangers travaillant au bureau de l’OMS à Lyon. L’ex-ministre bénéficie tout de même d’une immunité diplomatique, qui ne l’exonère pas pour autant de ses responsabilités concernant son action au ministère de la Santé. Si tant est que les procédures à son encontre aboutissent un jour. Ce qui est par contre certain, c’est qu’une telle facilité de reconversion pose question après la catastrophique absence d’anticipation de la crise sanitaire.

Alors que l’Agence européenne du médicament (EMA) annonce l’examen accéléré d’un médicament contre le Covid du laboratoire américain Merck, la recherche en France, déjà freinée par les lourdeurs bureaucratiques, patine maintenant en raison d’un manque de malade. Ce qui confirme que la situation épidémique, en plein débat parlementaire sur le prolongement du pass sanitaire, est loin d'être catastrophique.

Territorialisation, délai raccourci, voire suppression… Une soixantaine d’amendements ont été déposés en commission au Sénat sur le projet de loi « vigilance sanitaire », qui sera débattu jeudi. Une opposition à la fuite en avant gouvernementale qui se forme de manière plus ou moins timide.