À la tête de la nouvelle agence de recherche, un professeur habitué des liens d’intérêts Gratuit
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Le professeur Yazdan Yazdanpanah a été nommé à la tête de la nouvelle Agence de recherche sur les maladies infectieuses. Si une telle entité s’avère bien venue au bout d’un an de crise, la question des conflits d’intérêts se pose.

Ce nouvel organisme a vu le jour le 1er janvier 2021. L’agence autonome, rattachée à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), regroupe en réalité les activités de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) et du consortium de recherche en infectiologie REACTing (REsearch and ACTion targeting emerging infectious diseases). L’ensemble sera ainsi renommé ANRS, maladies infectieuses émergentes. Selon Gilles Bloch, président de l’INSERM, la structure « vise à donner un nouvel élan à la recherche sur les maladies infectieuses émergentes tout en gardant ses missions actuelles ».
Un directeur familier des labos
Un beau programme, qui on l’espère, ne sera pas entaché par le CV de son directeur, le professeur Yazdan Yazdanpanah, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Bichat (AP-HP). Pour cause, le gastro-entérologue cumule les liens d’intérêts avec de nombreux laboratoires pharmaceutiques. Il a notamment participé à différents comités et conseils d’administration : entre autres Johnson & Johnson, Viiv, Abbvie, MSD, Pfizer, Janssen, BMS et.. Gilead. Entre 2014 et 2019, Yazdan Yazdanpanah aurait perçu environ 96 000 euros de groupes privés. Étant également membre du conseil scientifique chargé d’éclairer le gouvernement sur la crise, le professeur a été interrogé en mars 2020 par Mediapart sur ce sujet, Il assure avoir cessé tout lien avec ces laboratoires depuis 2017.
Trois ans et demi : Cela suffit, selon la Haute autorité de santé (HAS) pour considérer qu’un conflit d’intérêts est terminé. La HAS affirme même tolérer une certaine dose de conflits d’intérêts dans certaines situations où la santé publique impose d’« accepter le concours d’un expert dans une situation de conflit d’intérêts, car il est le seul à pouvoir fournir une expertise d’une qualité suffisante ». Une position dont on peut débattre, mais encore faut-il que le comportement de la personne en question ne laisse pas planer de doute.
Ardent défenseur du Remdesivir
Or, à l’aube de l’épidémie, le professeur Yazdan Yazdanpanah, qui était fraîchement nommé au conseil scientifique, a contribué aux essais cliniques du remdesivir 9 à l’hôpital Bichat. Un traitement développé et promu par Gilead, avec qui il a eu des conflits d’intérêt. Un comportement suspect, selon le professeur Didier Raoult, qui note que Yazdan Yazdanpanah « n’a parlé que du remdesivir avant même que sa sensibilité au virus soit testée ». Or, le remdesivir a été fortement déconseillé par l’OMS après qu’aient été constatés des cas d’effets secondaires et qu’aucune preuve d’effet positif n’ait été constatée.
Le positionnement actif de Yazdan Yazdanpanah pour le traitement de Gilead peut interroger sur la réelle cessation du lien d’intérêt qui unissait le professeur et le laboratoire. Le délai de trois ans au bout duquel une situation de conflit d’intérêt est estimé terminé, selon la HAS, a-t-il réellement un sens en pratique ? Pour Didier Raoult, la question est tranchée : « Les experts, sur les questions dont ils sont saisis, ne doivent pas avoir de conflits d’intérêts. Si quelqu’un qui a travaillé pour Gilead parle de microscopie électronique, cela ne me gêne pas, mais c’est un problème s’il doit s’exprimer au sujet du remdesivir ».
Une chose est certaine : si le gouvernement tient réellement à gagner la confiance de la population dans la gestion de la crise sanitaire, pas sûr que nommer deux fois une personne sur laquelle pèse tant de soupçons de conflits d’intérêts soit la meilleure stratégie.
(crédits photo : YouTube Inserm)

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