Pénurie de masques : les mensonges de Jérôme Salomon sur un désastre annoncé Gratuit
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Des millions de masques détruits, une gestion désastreuse des stocks, un sens des responsabilités inexistant… Alors que Jérôme Salomon est dans le viseur du Sénat pour avoir tenté de cacher l’imprévoyance de l’État, Bas les masques fait les comptes.

Sur les masques, le gouvernement semble naviguer dans deux mondes parallèles. En un claquement de doigts, il est passé de la dissuasion de se procurer des masques à l’obligation d’en porter dès 6 ans. Car avant que les autorités enjoignent à tous de porter un masque partout et tout le temps - une injonction par ailleurs dénuée de toute justification scientifique -, le ministre de la Santé Olivier Véran affirmait l’exact contraire : « L’usage des masque en population générale est inutile. » Or, (et les autorités ont eu du mal à le dissimuler) cette préconisation cachait surtout une grave pénurie pour le personnel soignant. Cette tartufferie ne serait pas si grave si en plein pic épidémique au mois de mars, l’État n’était pas en train de continuer à brûler ses stocks.
Aucune anticipation
Pour comprendre cette gabegie, il faut remonter aux années 2005-2006. À cette époque, le gouvernement constitue un stock de 616 millions de masques chirurgicaux. En mars 2007 est créé l’Eprus (Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires), chargé de la commande et des stocks de masques. Cette stratégie est ensuite poursuivie par Roselyne Bachelot, ministre de la Santé de 2007 à 2010. Si bien qu’à l’automne 2009, la France possède 1,7 milliard de masques. Accusée de dilapider l’argent public, la ministre rétorque : « Ces masques sont un stock de précaution destiné à toutes sortes de pandémies. Ce n'est pas au moment où une pandémie surviendra qu'il s'agira de constituer les stocks ». Il semble aujourd’hui qu’elle ait eu raison trop tôt.
Mais au fil des années, la stratégie du stock est abandonnée. En cause notamment : l’épidémie de la grippe H1N1, qui a fait l’effet d’un pétard mouillé. En 2011, le gouvernement décide de séparer le stockage : d’une part, un premier stock « stratégique » de masques chirurgicaux destinés à la population et géré par l’Eprus. D’autre part, les masques FFP2 à destination des personnels soignants, dont la charge incombe aux établissements de santé. Mes ces derniers, étranglés par les restrictions budgétaires, ne parviennent pas à s’équiper. C’est enfin Marisol Touraine, ministre de la Santé sous François Hollande, qui porte le coup de grâce en décidant de que les stocks ne doivent plus être renouvelés.
Des stocks utilisables partis en fumée
Mais où sont donc passés tous ces stocks ? En 2017, celui constitué en 2006 commence à se faire vieux. Benoît Vallet, alors directeur général de la Santé demande une expertise sur la qualité de ces masques. Le patron de Santé Publique France - organisme qui a depuis absorbé l’Eprus - François Bourdillon, confie cette étude à une société belge, qui rend son verdict fin 2018. À cette époque, raconte ce dernier, « J’écris à la DGS que la grande majorité, voire la totalité des masques sont périmés et non fonctionnels. Il devait en rester, d’opérationnels, une centaine de millions à la limite de la péremption. Je ne suis même pas sûr que ça devait dépasser 2019 ».
Une version toutefois contestée par Benoît Vallet. Selon lui, une part importante de ces 616 millions de masques aurait sans doute pu être mise en circulation. Car ces masques acquis avant 2010 n’indiquent pas de date de péremption, contrairement aux plus récents : « Ces masques peuvent être utilisés même quand ils sont anciens, ils conservent leurs propriétés. Je n’ai jamais vu le résultat de l’expertise rentrée en 2018, puisque j’avais quitté la DGS, mais je sais qu’elle ne pouvait pas vraiment donner d’avis » insiste-t-il. Mais le verdict est là. Et la France commence à déstocker. Selon la directrice actuelle de Santé publique France Geneviève Chêne, « une partie » des 616 millions d’unités acquises en 2005-2006 est « détruite entre 2017 et 2019 ». Ajoutons à cela une comptabilité plus que laborieuse et nous voilà à la veille de l’épidémie du Covid, armés de seulement 150 millions de masques chirurgicaux et d’aucun stock de masques FFP2.
Début mars, les hôpitaux sont sous tension. Les soignants s’équipent de sacs poubelles en guise de blouse. Les dernières réserves de masques sont épuisées, alors qu’au même moment, des stocks soit-disant périmés continuent de partir en fumée. L’étau se ressert sur le gouvernement. Et voilà qu’Édouard Philippe annonce un miracle. Une vielle réserve étatique de 360 millions de masques ressurgit comme par enchantement. Le Ministère de la santé exhorte alors la Direction générale de l’armement et l’Agence nationale pour la sécurité des médicaments d’expertiser ce stock d’urgence. Finalement, seuls 85 millions seront finalement utilisés pour le grand public.
Des « pressions directes »
Manque de prévoyance, gestion des stocks calamiteuse… La liste des bévues est longue. Les protagonistes se refilent la patate chaude et l’un d’entre eux, Jérôme Salomon, risque fort de se brûler les mains. Lorsque Marisol Touraine décide de faire disparaitre 600 millions de masques FFP2, c’est bien lui qui occupe le poste de conseiller chargé de la sécurité sanitaire… En mai 2019, il est déjà directeur général de la Santé depuis plus d’un an quand Santé publique France (dont il est membre du conseil d’administration depuis 2016) rend un avis d’experts particulièrement alarmant, relatif aux contre-mesures médicales à prévoir face à une pandémie grippale. Ce document indique alors qu’en cas de pandémie affectant 30 % de la population, « le besoin en masques est d’une boîte de 50 unités par foyer ». Soit au bas mot, un milliard de masques. C’est à dire, le nombre dont la France disposait fin 2009.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Car le directeur général de la Santé n’a pas seulement ignoré le rapport, mais il a tenté de modifier son contenu. La commission d’enquête du Sénat fait ainsi état de « pressions directes » du professeur Salomon pour supprimer le chiffre d’un milliard de masques. Une conclusions qui aurait alors contredit de manière flagrante ses propres décisions de l’époque. À savoir, une commande dérisoire de 100 millions de masques, censée renflouer un stock étatique déjà critique.
L’heure des comptes
Pour Jérôme Salomon, c’est l’heure des comptes. Et deux médecins du collectif C19 vont tout faire pour en obtenir. Représentés par Maître Fabrice Di Vizio, avocat de Didier Raoult, ils ont demandé au ministre de la Santé Olivier Véran de poursuivre le professeur Salomon devant l’Ordre des médecins. Pour l’avocat, l’attitude de Jérôme Salomon conduisant « à la politique du gouvernement en matière de gestion des stocks de masques et à l'absence de constitution d'un stock stratégique » violerait plusieurs obligations déontologiques qui incombent à tout médecin : devoir de moralité et de probité, obligation de respect de la vie et de la personne humaine, obligation de confraternité. Reste à savoir si Olivier Véran acceptera de mettre le directeur général de la Santé en face de ses responsabilités, ou s’il préfèrera dissimuler la poussière sous le tapis. Il a deux mois pour répondre.
Bilan de cette saga : Des conséquences humaines et financières considérables. En plus d’avoir livré le personnel soignant à lui même, l’État a dû acheter des stocks massifs à la Chine à des prix trois fois plus élevés que ceux qu’auraient pu fabriquer l’usine Bretonne de Plaintel. Manque de chance, celle-ci a dû fermer en 2018… Faute de commandes de l’État.
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Depuis l’entrée en vigueur de l’obligation vaccinale des professionnels de santé le 15 septembre, plusieurs milliers manquent désormais à l’appel. En effet, ce jeudi 16, Olivier Véran annonçait le chiffre de 3000 suspensions sur 2,7 millions de salariés concernés. Si ce chiffre peut sembler faible en proportion, il n’est pas négligeable dans l’absolu et peut peser sur un système de soin déjà très fragile.
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Bruno Attal, secrétaire général du syndicat France Police, a été convoqué par l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) pour avoir exprimé son opposition au pass sanitaire, que les forces de l'ordre sont contraintes de contrôler. Il dénonce une pression et une atteinte à la liberté syndicale.