Un an de cauchemar : Didier Raoult, ennemi public n°1 Gratuit
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EPISODE 4
À l’occasion du premier anniversaire de la crise sanitaire, Bas les masques vous propose un retour hebdomadaire sur les différentes étapes qui ont jalonné cette année cauchemardesque. Cette semaine, le quatrième épisode revient sur l’hystérie générale autour du professeur Raoult.
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Esprit libre et profil atypique, fuyant selon ses propres dires les « autoroutes scientifiques », le professeur Didier Raoult est devenu au début de l’année 2020 le personnage du milieu médical le plus en pointe — et le plus médiatisé — dans la lutte contre le coronavirus. Peu connu du grand public avant la pandémie, il est avant tout un expert dans la compréhension des mécanismes d’infection par les bactéries, et a même été récompensé en 2010 par un grand prix de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Aujourd’hui, il reste encore l’un des chercheurs les plus influents au monde.
Mais bien avant la pandémie, Didier Raoult avait déjà une relative image de trouble-fête au regard de certaines de ses positions passées. Et notamment en raison du différend qu’il a eu en 2017 avec Yves Lévy, à la tête de l’Inserm mais également mari d’Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé. Yves Lévy voulait mettre fin au statut de fondation des instituts hospitalo-universitaires (IHU) pour les transformer en groupement d’intérêt publics, décision qui avait été prise par la ministre de la Santé... Ce changement de statut enlevant une certaine latitude d’action aux IHU tout en renforçant le poids de l’Inserm, Didier Raoult s’y était opposé en tant que directeur de l’IHU de Marseille et avait mis en avant le conflit d’intérêt entre la décision de la ministre et la position de son mari à la tête de l’Inserm. Dès lors, l’image du professeur est devenue en quelques sortes celle d’un contestataire vis-à-vis de certaines dérives. Des dérives que la pandémie aura particulièrement mises en avant.
Dès le 25 février 2020, Didier Raoult commence à agiter les médias en publiant une vidéo intitulée « Coronavirus : fin de partie », dans laquelle il met en avant ses essais de traitement à base d’hydroxychloroquine et d’azithromycine contre le Covid-19. Celle-ci avait été signalée dans la foulée comme « partiellement fausse » par les Décodeurs du Monde, et sur la base de ce signalement, Facebook avait à son tour intégré un bandeau indiquant la même chose. Avant que le ministère de la Santé ne considère à son tour cette information comme fausse… Et ce n’est que lorsque Didier Raoult a renommé sa vidéo « Vers une sortie de crise » que les Décodeurs ont retiré leur signalement. Néanmoins, après cet évènement, sa cote de popularité s’est mise à grimper en flèche sur les réseaux sociaux et tous les grands médias se sont alors mis à suivre son actualité avec une attention toute particulière.
À l’IHU Méditerranée Infection, le professeur de microbiologie accueille des patients malades du Covid à qui il administre sa fameuse bithérapie dès la mi-mars 2020. Pas encore autorisée dans ce cadre, l’HCQ sera autorisée à la prescription par les médecins hospitaliers mais seulement dans les cas de formes graves, alors que Didier Raoult préconise ce traitement avant, justement, que les cas ne s’aggravent. Comme il l’avait d’ailleurs parfaitement expliqué sur son compte Twitter : « C'est quand ils ont des formes modérées, moyennes, ou qui commencent à s'aggraver, qu'il faut les traiter. A ce moment-là on contrôle les virus qui se multiplient. Quand ils sont rentrés en réanimation, le problème ce n'est plus le virus ».
Le 10 avril 2020, il accueille Emmanuel Macron à Marseille, afin de faire la démonstration de l’efficacité de son protocole et de sa capacité à effectuer de nombreux tests, alors que la France est à la traîne sur ce point en comparaison à d’autres pays européens. Moins de deux semaines plus tard, le 23 avril, un communiqué de l’ordre des médecins « rappelle fermement à l'ensemble des médecins qu'en cette période de vulnérabilité particulière et face à l'inquiétude de nos concitoyens, leur parole prend un sens encore plus important », ajoutant même « il serait inadmissible dans ce contexte de susciter de faux espoirs de guérison ». L'Agence du médicament est alors alertée sur les protocoles « qui s'inscrivent en dehors des législations ». Bien qu’il ne s’agisse pas d’une attaque orientée explicitement contre le professeur Raoult, qui ne s’estime pas concerné par des propos qu’il considère toutefois comme des menaces, les tensions commencent à monter.
En dépit des résultats publiés par le professeur Raoult sur les patients qu’il a soigné à l'IHU qui semblaient lui donner raison, en permettant notamment une amélioration rapide de leur état de santé, un coup dur est porté contre lui à la suite d’une étude frauduleuse publiée dans le Lancet le 22 mai 2020, concluant — sur la base de données manipulées — à l’absence d’efficacité de l’HCQ. Le 27 mai 2020, alors que la supercherie de l’étude en question est démontrée et qu’elle est dépubliée du Lancet, la prescription d’HCQ est interdite pour les patients atteints du Covid-19. Ce sera le début d’une longue saga autour de ce traitement, qui persiste encore à l’heure actuelle.
Apprécié par une grande partie du public pour son esprit brillant et ses indéniables qualités scientifiques, sa personnalité hors du commun est aussi présentée comme parfois agaçante, et beaucoup de ses détracteurs lui reprochent un égo surdimensionné. Allant même parfois jusqu’à s’en prendre à son apparence qui dénote dans le monde scientifique, le qualifiant de « druide gaulois » ou de « gourou new-age ». Face à ses prises de positions à rebours de l’establishement médical, quelques-uns auront alors parlé de « populisme médical » et lui auront même collé un gilet jaune sur le dos, alors qu’il n’avait rien demandé. Des reproches essentiellement sur la forme donc, pour tenter de faire oublier que, sur le fond, ce qui lui a été beaucoup reproché aura surtout été sa vision de la crise très éloignée de l’atmosphère de terreur distillée par certains scientifiques abonnés des plateau télévisés. Dont certains ont été épinglés pour des conflits d’intérêts que Didier Raoult s’est souvent fait un malin plaisir à révéler, renforçant son statut d’ennemi n°1 de tous ceux qui sont en affaires avec des laboratoires ayant proposé des médicaments bien plus chers que son traitement à base d’HCQ…
En septembre 2020, l’offensive contre le directeur de l’IHU se poursuit de plus belle. En septembre, des médecins de la Société de pathologie infectieuse (SPILF), saisissent le conseil de l’ordre des médecins des Bouches-du-Rhône, reprochant au professeur la « promotion d’un traitement qui n’a pas démontré son efficacité », mais également la« diffusion de fausses informations auprès du public », ou encore la « réalisation d’essais cliniques dont la légalité reste à démontrer ». Le 6 octobre, il est entendu par le conseil qui lui reproche une « violation de la confraternité, l’information erronée du public, l’exposition à un risque injustifié », le traitant au passage de « charlatan ». À la fin de l’année 2020, le conseil national de l’ordre des médecins porte plainte contre plusieurs médecins dont le professeur Raoult pour des positions « controversées » sur la pandémie, visiblement devenue une sorte de nouveau politiquement correct… Mais le professeur ne se laisse pas faire, et attaque désormais systématiquement lorsqu’il s’estime diffamé. Aussi populaire auprès du public qu’attaqué par ses pairs, Didier Raoult risque décidément de rester encore quelque temps le principal adversaire de la pensée unique sur le Covid-19.