Derrière la contestation colombienne, une misère sociale accentuée par la crise sanitaire Gratuit
Auteur
Thèmes abordés
Un projet de réforme fiscale en Colombie a déclenché une insurrection dans tout le pays, qui a fait plusieurs morts. Si les manifestants ont réussi à faire reculer l’exécutif, le climat ne s’est toujours pas amélioré et révèle une exaspération des classes populaires, lourdement affectées par la gestion autoritaire de la crise.

Après cinq jours de manifestation, le président Ivan Duque a annoncé ce dimanche 2 mai le retrait de la réforme fiscale, en cours d'examen au Parlement. Le lendemain, le ministre des Finances, Alberto Carrasquilla, emboitait le pas en présentant sa démission. Malgré la violence des protestations, ayant fait une vingtaine de morts et plus de 800 blessés, la grogne se poursuit, avec une profonde misère sociale en lame de fond. L’ONU a condamné un usage excessif de la force par les forces de sécurité colombiennes, face à des manifestants principalement issus des classes populaires dans les grandes villes comme Cali, Bogota ou Medellin.
À l’origine, la réforme fiscale était prévue pour penser la sortie de crise post-Covid et faire face à l’important déficit fiscal, qui ne cesse de s’aggraver depuis plusieurs années. Le gouvernement colombien craignant notamment que cette situation lui fasse perdre des points sur les marchés financiers. Les modalités de financement initialement prévues de cette réforme devaient faire peser le poids de cette reprise sur les classes populaires : d’une part, une hausse de la TVA sur les produits de première nécessité, dont les services d’eau, de gaz et même les pompes funèbres. Et d’autre part, l’extension de l’imposition aux petites classes moyennes. Si le projet est suspendu pour l’instant, le président Ivan Duque continue à négocier avec les partis politiques pour le faire passer. Il a précisé qu'il présenterait un nouveau texte, excluant les points les plus contestés.
En plus des 75 000 décès liés au Covid-19 pour 50 millions d’habitants, la pauvreté a explosé passant de 37 à 45% et faisant de la Colombie un des pays les plus durement touchés par la crise sanitaire. Avec 1,7 lits d’hôpitaux pour 1000 habitants, contre 5,9 en France, le pays a un système de santé fragile, qui a rapidement cédé dans les grandes villes. La crise sanitaire a été le révélateur d’une crise sociale bien plus profonde, et les multiples restrictions sanitaires imposées à un peuple appauvri, empêché de travailler par le confinement sans bénéficier des compensations d’un état-providence tel que nous le connaissons, n’a fait qu’accentuer une situation extrêmement préoccupante. En effet, le mécontentement social ne date pas d’hier : les Colombiens étaient déjà sortis dans la rue en 2019 et leurs revendications demeurent.
Mais de nombreux pays, dont l’économie a aussi pris de plein fouet les restrictions sanitaires, connaissent depuis plusieurs années une situation sociale électrique, au premier rang desquels la France. Les images de vitrines brisées et de péages autoroutiers en feu dans les villes colombiennes rappellent étrangement celles de la colère populaire des Gilets Jaunes qui avait embrasé l’hiver 2018 sur fond, là aussi, de révolte fiscale. La crise sociale provoquée par la crise sanitaire embrasant aujourd’hui la Colombie contaminera-t-elle bientôt d’autres peuples en souffrance ?
Thèmes abordés

ENTRETIEN. Mohand Sidi-Saïd, ancien vice-président des laboratoires pharmaceutiques Pfizer, revient pour Bas les masques sur le vaccin contre le Covid-19 présenté par Pfizer. Après quarante ans au sein de son groupe, le natif d’Algérie resté loyal à l’industrie pharmaceutique garde son esprit critique et se montre prudent face à l’annonce d’un vaccin présenté comme « efficace à 90% ».
Thèmes abordés

ANALYSE. Fabien Quedeville décortique le modèle suédois de gestion de la pandémie : que doit-on en penser ?